Nourrir une passion est une belle chose, mais n'est-il pas plus beau, de se laisser aller vers elle, pour que peu à peu celle-ci puise vous guider, et faire de chaque jour une nouvelle aventure? De souvenirs en sentiments, il y a toujours une part en nous qui ne veux oublier. C'est sans doute pour cela que beaucoup d'entre nous cultivons cette passion pour la photographie. 

Ce mois-ci, Strassenfotos a voulu poser son regard un instant, sur le travail d'une femme que la photographie à choisit. Photographe depuis toujours, Vanessa KUZAY s'est retrouvée très tôt l'oeil rivé dans le cadre, sachant comment, année après années, éveiller toute sa sensibilité pour exprimer au plus juste son ressentis et sa vision. Savoir prendre le temps regarder, pour mieux apprécier ce qui est, pour mieux les aimer, les comprendre aussi. 

Vanessa KUZAY n'intellectualise pas la photographie, elle sait très justement comment lui redonner ses lettres de noblesse, en nous offrant l'essentiel, rien de plus. La pureté de ses compositions, fait naître en nous tout un monde où la poésie ne se dit pas, mais où elle se regarde. 

 

Etre un bon photographe s'apprend, entre technique et règles à respecter, Vanessa KUZAY nous rappelle avant tout, que la première des conditions à respecter, est celle qui unit son coeur à l'âme de chacun. C'est en cela, que tout le travail de Vanessa puise sa source. 

 

 

Une part de nous réside dans chacune de ses photographies. Pour la voir, il suffit juste de se laisser aller, oui tout simplement...

 

  • La photo et vous : comment tout cela a commencé ?

 

Je me souviens avoir toujours été fascinée par les images. Enfant, je passais des heures chez mes grands-parents à regarder les boîtes où les milliers de photographies, en noir et blanc, quelquefois floues, parfois surexposées, racontaient leur vie. J’étais également attentive aux détails qui témoignaient d’une époque et des événements historiques. 

Cette passion des images m’a conduit progressivement à m’intéresser à la photographie.

 

  • Emotion : quel est votre premier souvenir photo ?

Je me souviens très bien du jour où mon grand-père m’a donné un de ses appareils photos, un Kodak Ektra 200. J’avais 6 ou 7 ans et j’étais très impatiente à l’idée d’être derrière l’objectif, comme une grande personne.

 

  • Avec quel appareil avez-vous commencé ? L’avez-vous encore et si oui utilisez-vous encore ce boitier ?

Mon premier reflex était un Nikon D60. Je l’ai utilisé longtemps, il est tombé en panne l’an dernier. Mais depuis, je suis restée fidèle à Nikon.

 

  • Quand et qui ou quoi vous a fait prendre la route de la photographie de rue ?

C’est surtout le fait de voyager qui m’a conduit à faire de la photographie de rue. Au-delà des paysages de carte postale, je voulais témoigner de l’atmosphère qui régnait dans les rues, de la manière dont les gens vivent… 

Et puis progressivement j’ai commencé à faire de la street photo là où je vis, au début à l’occasion d’événements où je pouvais davantage « me fondre » dans la foule, au Festival d’Avignon par exemple où j’ai fait de nombreux portraits. 

Désormais je shoote tout le temps, partout ! Le spectacle est permanent, il suffit de garder l’œil ouvert.

 

  • Etes-vous plutôt noir et blanc ou bien couleurs ?

J’ai découvert la photographie de manière assez « scolaire » je dirais, en m’intéressant d’abord aux premiers photographes de rue : Cartier-Bresson, Brassaï, Walker Evans, Izis, puis Robert Frank… J’ai donc d’abord pensé que « faire de la photographie » impliquait forcément de travailler en noir et blanc. 

Mais j’ai ressenti tellement d’émotions devant les photographies en couleur de Depardon et l’œuvre de Harry Gruyaert, que depuis je travaille la plupart du temps en couleurs.

 

  • Etes-vous digital converti ou bien un argentique nostalgique ?

Je dirais que je suis une « argentique convertie » ! J’ai commencé à vraiment faire de la photo avec un reflex numérique, mais je me suis mise il y a peu à l’argentique (grâce à une association basée à Marseille qui s’appelle Vol de Nuits). J’ai en effet tendance à faire beaucoup d’images pour ne pas rater « l’instant décisif ». Avec l’argentique, il faut raisonner différemment, observer beaucoup plus, réfléchir au meilleur cadrage, savoir ce que l’on veut montrer d’une scène. Certes il y a quelquefois le regret de rater un moment, ou une certaine frustration parfois quand le film est terminé, mais il y a aussi l’excitation liée à l’attente, le plaisir de voir apparaître son image dans le bac de révélateur, et puis le rendu est tellement différent que ça ouvre de nouvelles perspectives. 

En argentique, il y a l’aléa. L’aléa de réussir son réglage, son développement, son tirage… Tout cela donne un caractère « précieux » à la photographie, qu’on a tendance à perdre un peu en numérique.

 

  • Pensez-vous que n’importe quel appareil photo (smart phone compris) est utilisable en street photographie ?

Clairement oui ! Je fais de la street photo quasiment au quotidien grâce à mon smartphone. Cela permet d’être discret et de partager immédiatement ses images via Instagram ou Twitter. Mais je dirais que c’est plus dans l’idée d’un journal photographique, ce n’est pas du tout la même démarche quand je pars shooter avec un reflex, argentique ou numérique. 

 

  • Etes-vous du genre photographe de street version téléobjectif ou bien focale fixe ?

J’ai commencé par faire beaucoup de portraits au téléobjectif mais finalement je ne me sers désormais quasiment que de focales fixes. Je travaille beaucoup sur la place de l’humain dans l’espace urbain et le grand angle me permet d’exprimer peut-être mieux les questions qu’on peut se poser sur les villes de demain : la solitude, l’errance, le vieillissement des urbains…

 

  • Si pour vous la photo de rue rime avec repousser les barrières de la timidité, quel est votre remède pour cela ?

La photo de rue permet d’aller à la rencontre de l’autre, si ce n’est pas par la parole, c’est un moins par un regard, un sourire. Au début, je prenais les gens en photo dans la rue de dos ! Aujourd’hui, je les prends plus frontalement, souvent ils ne se rendent pas vraiment compte que je les ai photographiés. Si je suis prise en « flagrant délit », en général, un sourire désamorce toute tension. Toutefois, si je sens que la personne est fermée, je continue mon chemin l’air de rien. En général, cela se passe plutôt bien !

 

  • Qui du passé ou du présent vous fait vibrer comme photographe de rue ?

Ce n’est pas très original mais je suis une inconditionnelle de Raymond Depardon. Ses cadrages, son traitement de la lumière, sa rigueur, ses textes aussi, tout m’impressionne.

J’aime aussi beaucoup l’angle adopté par Saul Leiter lorsqu’il photographie les scènes de rue qui se reflètent dans les vitrines. Cela donne souvent une dimension onirique à ces images qui nous sont pourtant familières. 

Je suis également une grande fan de Martin Parr et de l’usage qu’il fait de la couleur lorsqu’il montre, avec beaucoup d’ironie, les travers du tourisme de masse et plus largement de la société de consommation. 

Enfin, je citerais le photographe libanais Serge Najjar que j’ai découvert il y a quelques années maintenant, et que je trouve résolument inspirant. Très minimaliste et percutant ! 

 

  • Quelle est pour vous la définition de la photo de rue ?

La photographie de rue pour moi c’est pouvoir transmettre une atmosphère. Parvenir à ce que les gens qui regarderont les images ressentent des émotions mais aussi des sensations. Transmettre à travers une image les sons, les odeurs, les pulsations de la rue, d’une ville.

 

  • Comment réagissez-vous quand certaines personnes se montrent hostiles à la pratique de la photo de rue ?

J’essaie de leur expliquer ce qu’est la photo de rue en montrant la diversité des points de vue que l’on peut adopter. La street photography ne se résume pas à des portraits volés au téléobjectif !

 

  • Ecoutez-vous de la musique lorsque vous partez dans les rues avec votre appareil en main ?

Non je n’écoute pas de musique dans ce cas afin de rester ouverte aux scènes qui peuvent se présenter. Quelquefois, une photographie peut partir d’un son, d’un rythme, d’une conversation entendue au détour d’une rue.

 

  • Jusqu’où avez-vous été pour réaliser la photo de rue à ne pas manquer ?

Eh bien, comme beaucoup de photographes je suppose, attendre parfois très longtemps pour avoir l’image que j’ai en tête à un endroit précis. Je perds vraiment la notion du temps dans ce cas !

 

  • Jusqu’où iriez-vous pour assouvir votre passion de street photographe ?

Partir sur un coup de tête dans telle ou telle ville pour faire des photos.

 

  • Quel appareil vous fait rêver aujourd’hui ?

Maintenant que je me suis mise à l’argentique, j’aimerais beaucoup avoir un Rolleiflex, notamment parce qu’il permet de décoller l’œil du viseur et d’adopter par conséquent un autre regard, et un autre rapport aux inconnus que l’on photographie dans la rue.

 

  • Où est-ce que vous vous voyez demain ?

J’espère prendre toujours autant de plaisir à faire de la photo et progresser encore et toujours.

 

  • Où aimeriez-vous que la photographie de rue puisse vous conduire ?

Si la photo me donne l’occasion de participer à des projets stimulants, de rencontrer des gens passionnés et passionnants, pour moi ce sera déjà une réussite.

 

  • Quelle est votre meilleur souvenir de photo de rue que vous ayez prise ?

Dans le cadre d’une fête de village en Camargue, je prenais en photo un monsieur très photogénique avec sa barbe blanche, son chapeau et sa pipe. Je me suis rendue compte qu’il dessinait et qu’il croquait discrètement lui-même un autre personnage ! Je suis allée le voir pour lui montrer ma photo car je trouvais cette situation plutôt amusante. Il faisait partie d’une fanfare et pour me « remercier » pour les photos, il est venu le lendemain jouer avec toute la fanfare sous mon balcon. C’était très drôle.  

 

  • Quel est votre meilleur souvenir de rencontre en relation avec la photo en général ?

Il y en a beaucoup car la photographie m’a vraiment permis de rencontrer des gens formidables. Mais je me souviens de cette vieille dame à New York qui est venue me voir alors que je prenais des photos dans sa rue, dans le quartier de Chelsea. Elle s’intéressait aux photos que je prenais et m’a d’abord fait entrer dans l’église de son quartier. Puis, elle m’a dit que si je voulais découvrir New York, il fallait que j’entre dans la vie des New-Yorkais. Elle m’a alors invitée à visiter sa magnifique maison victorienne, là où elle-même était née. J’ai été très touchée par son accueil, son ouverture d’esprit, sa confiance aussi. C’est très intime d’ouvrir la porte de sa maison à un inconnu. La photographie permet ce genre de rencontres !

 

 


 

cette photo est issue d’une série que j’ai intitulée « ana-chroniques urbaines » qui pose la question de la ville de demain, entre hyper-modernité architecturale et urbanistique et vieillissement de la population. J’aime cette photo car c’est une des premières fois où je suis parvenue exactement à l’image que j’avais en tête.


c’est difficile de faire un choix mais je prendrais cette photo de Raymond Depardon prise à Glasgow dans les années 80. Cette image me touche beaucoup et on voit bien là l’intérêt de la couleur pour accentuer le contraste déjà saisissant entre cette fillette et son environnement, sorte de ville-fantôme et hostile.

 

 


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L’ensemble de ces droits figure dans la première partie du code de la propriété intellectuelle qui codifie notamment les lois du 11 mars 1957, du 3 juillet 1985, du 1er août 2006, du 12 juin 2009 et du 28 octobre 2009.

Dans sa décision n° 2006-540 DC du 27 juillet 2006, le Conseil constitutionnel a considéré que les droits de propriété intellectuelle, et notamment le droit d’auteur et les droits voisins, relèvent du droit propriété qui figure au nombre des droits de l’homme consacrés par l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.